La conception du rugby à Aachen

Publié le par Ijahman

Avertissement : Cet article est hautement déconseillé aux personnes qui ne sont pas du tout intéressées par le rugby. Il peut paraître aussi un peu trop technique pour d'autres. Je leur dis "C'est bien la première fois que j'écris un truc technique sur ce blog".

    Samedi 19 avril 2008. La conception française de l'Allemand repose sur le stéréotype d'un mec ordonné, sérieux, efficace, qui n'aime pas laisser place au hasard. Je vais vous présenter un contre-exemple. Pour certains un doute sera soulevé, pour d'autres ce ne sera que l'exception qui confirme la règle. Personnellement, je m'en fous, vu que j'ai passé une super journée alors que ça s'annonçait pas forcément radieux.

    Contexte : depuis deux semaines, l'entraînement de rugby avait du mal a attiré plus de 3, 4, 5, 6 joueurs de l'équipe.

    Rendez-vous était donné aux braves ce matin à 11h30 pour aller à Duisburg. Duisburg, d'après GoogleEarth, c'est à 100km de Aachen à vol d'oiseau, ce qui veut dire un peu plus à roulage de voiture. Je me présentai au lieu du rendez-vous avec un peu d'avance (à cause des horaires de bus) avec la vague impression que l'organisation présentait quelques faiblesses. Nous avions en effet été prévenus la veille par un mail de notre capitaine. Je fus d'abord seul, ce qui conforta mon impression. Cinq à dix minutes plus tard, un autre joueur arriva en voiture. J'appris au passage que nous n'aurions pas d'entraîneur aujourd'hui. Petit-à-petit l'équipe se forma et nous arrivâmes au prix d'efforts prolongés au nombre de 10 joueurs. Or, le réglement de notre championnat prévoit qu'un matche ne peut être compté comme un matche normal s'il n'y a pas au moins 12 joueurs présents au coup d'envoi. Se posa alors la question de savoir si nous partions quand même, histoire de jouer même si nous perdions sur le papier quoi qu'il arrive. Mais le fait est que les journées de championnat sont des mini-tournois où une équipe reçoit sur son terrain deux autres formations et chaque franchise joue deux matches, on aurait très bien pu se voir refuser le droit de faire un matche juste parce que nos concurrents n'auraient pas voulu se fatiguer. Nous oscillâmes alors entre la résignation d'aller simplement nous entraîner sur notre terrain pour ne pas perdre un réveil si matinal et la persévérance d'obtenir vaille que vaille deux joueurs supplémentaires. Au prix de nombreux appels et de réveil de mecs bourrés, nous partîmes finalement avec une équipe de douze joueurs pour le moins hétéroclite. Parmi les joueurs, trois pour qui se seraient le premier matche, trois avants officiels de l'équipe (il est censé y en avoir 8), le demi de mêlée officiel, le demi d'ouverture officiel et 4 arrières officiels dont je fais partie. La composition de l'équipe s'annonçait de prime abord ardue. Bien sûr, tous ces coups de téléphone et pêchages de joueurs directement au lit nous avait pris un certain temps, Aussi arrivâmes-nous un peu juste à Duisburg. Nous jouerions donc les deuxième et troisième matches. Comble de l'organisation à l'allemande, personne ne savait où se trouvait le sac de shorts, Aussi certains furent-ils contraints de demander des shorts aux autres équipes, alors que d'autres joueraient en pantalon de sport. Ce qui donna une équipe assez bariolée.

    Face aux circonstances particulières, nous adoptâmes une stratégie propre à déstabiliser l'adversaire, c'est-à-dire une composition jamais vue auparavant, originale à souhait. Le XV, pardon le XII serait une première dans l'histoire de l'équipe 2 du Rugby Club Aachen. Nous décidâmes sagement de jouer des mêlées à cinq non contestées, ce qui me rassura quand j'appris que j'étais propulsé première ligne (donc avant) en tant que talonneur. On m'attribua aussi le poste de sauteur (je sais pas si c'est le terme en français) pour la touche. Et pour la première fois de ma vie deux mecs bien costauds me prenaient par la peau du short et me soulevaient à des hauteurs inconnues. Nous plaçâmes dans la mêlée les trois nouveaux. Comme à l'accoutumée, nous étions visiblement plus jeunes et plus légers que les joueurs des autres équipes. Il faudrait jouer sur notre rapidité pour fatiguer ces masses.

    Le premier matche nous opposa à Bielefeld qui ne présentait aussi que douze joueurs. Contre toute attente, nous commençâmes le matche sur de bonnes bases avec une défense solide poussant l'aversaire à la faute. Notre carence en poids se faisait sentir surtout par la difficulté de construire un regroupement lorsqu'un de nos joueurs était plaqué. Mais en jouant des passes rapidement vers les ailes nous contournions notre faiblesse. Si bien qu'après une course ziguezaguante de notre ailier sur plus de 30 mètres nous inscrivîmes le premier essai de la partie, malheureusement non transformé. 5-0. Il fut suivi peu après par un nouvel essai longue distance de ce même ailier qui donnait du fil à retordre aux colosses d'en face. La transformation était là aussi manquée. 10-0. (Cet ailier est tout petit, tout maigre, il paie pas de mine, il doit peser 50kg tout mouillé. Ces courses me rappelaient les vidéos des différents matches France-Nouvelle-Zélande que Bounty m'a montrée sur YouTube. C'est vraiment le genre de gars, tu l'aurais jamais laissé jouer au rugby tellement tu aurais eu peur qu'il se fasse mal.) Toujours est-il que l'adversaire reprit ses esprits et parvenait à inscrire un essai en force, transformé, peu avant la mi-temps. 10-7. Au retour, nous nous fîmes à nouveau surprendre et l'adversaire en profita pour transformer un essai. 10-14. Nous nous reconcentrâmes, reprîmes les fondamentaux, le jeu simple sur les ailes et arrachâmes un essai à quelques minutes de la fin du matche. Non transformé. 15-14. L'adversaire sonna la charge mais sur une perte de balle, suivie d'une contre-attaque menée à toute allure nous crucfiâmes la bête d'un essai rédempteur, transformé. Le matche se terminait sur le score de 22-14, par la victoire des jaunes et noirs et shorts de toutes les couleurs de Aachen.

    Nous enchaînâmes cinq minutes plus tard avec le matche contre l'équipe à domicile, Aldenrade. (Aldenrade est dans la banlieue de Duisburg). Nous empruntâmes un joueur à Bielefeld pour répondre au souhait d'Aldenrade de jouer à treize. Là aussi nous jouâmes propres en défense, même si la fatigue du premier matche nous poussait plus souvent à la faute. Nous marquâmes encore un essai dans la première mi-temps grâce à la rapidité et à la spontanéité de l'ailier sus-mentionné. Non transformé. 5-0. Au retour de la pause, nous concédâmes un essai. Non transformé. 5-5. Nous poussâmes toujours vers l'avant, forçant l'adversaire à la faute dans une situation parfaite pour que nous pussions ajouter les trois points d'une pénalité. 8-5. S'en suivit une période où nous jouâmes la montre, poussant l'adversaire en touche quand il avait la balle, gagnant du terrain au pied, bottant en touche quand l'opposant arrivait trop près de notre ligne d'essai. Je fus mis beaucoup à contribution dans ces minutes interminables, puisque nous tapions souvent en touche. Et même si je n'avais pas été très bon pendant le premier matche et le début du deuxième, je ne me décourageai pas. Et par quatre fois d'affilé, j'empêchai l'adversaire de gagner sa touche, permettant à mon équipe de se dégager toujours plus loin. L'arbite siffla la fin de la rencontre. Nous avions gagné. Là, me revint en tête que, cinq heures auparavant, nous hésitions encore à partir jouer ces deux matches.

    Nous bûmes une bière pour nous donner la force de rentrer, mais nous avions la joie de l'équipe partie avec pour objectif de s'amuser et qui à l'amusement avait su ajouter la victoire. Au passage nous battions les 4ème et 5ème du championnat, c'est-à-dire nos deux supérieurs directs, ce qui nous permettait de passer 4ème ex aequo.

    Une journée que je sentais mal, qui s'est bien terminée et que je suis allé prolonger à Cologne pour écouter du jazz, même si, là, le succès ne fut pas au rendez-vous. Mais dimanche soir, je l'aurai mon jazz.

Publié dans Divers

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C
Alors, ça fait quoi de se retrouver perché à 1,50 au-dessus des autres?!! Tu comprends pourquoi je l'adore mon poste de 2ème latte (et demi!) ?!!<br /> En tout cas vous deviez pas payer de mine devant les autres, et ça a du bien les déstabiliser. Ca me rappelle quelques matches du XV de la Touffe, à la belle époque... Aaah, c'était le bon vieux temps tout ça !!<br /> Profite bien de ces moments en tout cas, et des bières d'après match (ou victoire), c'est les meilleures, et les plus méritées...
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I
<br /> C'est vrai que ça m'a beaucoup plu d'être soulevé dans les airs. Et comme tu dis, on payait pas de mine, au moment où on a demandé des shorts aux adversaires, pour<br /> ceux qui n'en avaient pas. Mais je pense que je vais devoir redescendre sur terre et retrouver mon aile au matche suivant, la semaine prochaine.<br /> <br /> <br />
J
LOL<br /> j'aime bien le jazz, mais il a fallu que j'attende d'aller en allemagne pour en écouter un bout dans un bar. C'est ti pas malheureux!<br /> Dommage pour la serveuse mon Iannus. Y en aura d'autres (des bières aussi d'ailleurs).
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B
Bravo Iannus !<br /> Maintenant on te met un appareil photo autour du cou et tu deviens le Nachtwey du rugby
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I
<br /> Je m'attendais à un commentaire du syle "Et les photos ! " et quand je pensais à ça, je pensais aussi à Nachtwey. Un matche de rugby, c'est pas la guerre pourtant...<br /> Comme quoi les grands esprits font les grosses fortunes. Mais bon vu comment prennent cher mes doigts, je crois que l'appareil-photo insistera pour rester à la maison. Il tient à sa vie.<br /> <br /> <br />
X
"Cet essai assassin que je ne saurais voir" ? ah, non, je dois confondre... Ceci dit, félicitons momo de ne pas s'être une fois de plus démonté les doigts (ou autre partie de son anatomie). Et filicition l'équipe 222 d'Aachen pour son déplacement victorieux!. Quand au jazz, il vit de part et d'autre du Rhin, mieux vaut qu'il soit en vogue qu'aux gogues...
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I
<br /> J'ai pas trop souffert médicalement, cette fois-là. Une petite cravatte m'a bien fait perdre la respiration mais les doigts (pas encore réparés) ont tenu le coup.<br /> T'inquiète, quand tu viendras, si tu viens, je tacherai de trouver du jazz même si ça dépend fortement des semaines et des jours.<br /> <br /> <br />
R
Héhé, quel suspens tout au long de cet article !<br /> Putain quasiment au même moment, Vincent Clerc se niquait les croisés... et vla le grand blond qui en profite pour mettre cet essai assassin :(
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I
<br /> Désolé, je suis pas le Top14 et, en fait, quasiment aucun rugby ici à part la Verbandsliga de Nordrhein-Westfalen (notre championnat). Donc je sais pas vraiment de<br /> quoi tu parles. Mais c'est vrai que ç'ont été des matches très serrés avec pas mal de pression lorsque les scores se resserraient voire s'inversaient. Mais ça fait encore plus plaiz'.<br /> <br /> <br />